Temps mort.

Temps mort est un téléfilm de Jean-Jacques Lagrange d'après une nouvelle de George Langelaan (1968, 65 minutes, Noir & Blanc).

Qu'est-ce qu'un film sinon du temps qu'on a emprisonné ?
source photo : http://fantastique96.rssing.com/chan-6181223/all_p80.html
© INA

Langelaan est un romancier britannique. Il a été agent secret pour le compte des alliés pendant la dernière guerre. Son expérience l'inspire et il écrit des récits d'espionnage mais il touche aussi à la science-fiction. On lui doit La Mouche, l'histoire d'un malheureux savant expérimentant la téléportation qui échange sa tête avec celle d'une mouche ! La nouvelle a été portée deux fois à l'écran et même au théâtre sous la forme d'une comédie musicale mise en scène par David Cronenberg ! Langelaan se situe dans la mouvance du réalisme fantastique, un courant intellectuel inspiré par Jacques Bergier et Louis Pauwells autour de leur livre, Le Matin des Magiciens. Leur idée est qu'il n'y a pas de limite entre le réel et le fantastique, simplement des phénomènes que la science officielle nie car elle est encore incapable de les expliquer.

Dans le téléfilm Temps Mort, deux astronautes, Muller et Darnier, participent à une expérience consistant à les placer dans un temps ralenti afin de s'adapter aux conditions de voyage dans l'espace. Muller est ralenti le premier pour une durée de 48 heures puis ce sera le tour de Darnier, 24 heures plus tard, mais pour 24 heures seulement afin de resynchroniser simultanément les deux cobayes avec le temps externe. La première phase de l'opération semble se dérouler normalement lorsque Darnier est placé dans une cabine pour être plongé en catalepsie. Les chercheurs surveillent son biorythme à l'aide d'un ordinateur qui contrôle l'expérience. 

Mais tout semble se dérégler quand vient le moment de récupérer les deux astronautes : Darnier s'éveille dans un monde figé. Il sort de la cabine et constate que tous les chercheurs sont immobiles, comme gelés... Il commence à déambuler dans la base et ne rencontre que des individus paralysés. Plus aucun moyen de communication ne fonctionne. Il en conclut qu'il a réchappé à une sorte d'attaque éclair et qu'il est désormais le seul être vivant sur le site, voire sur Terre... jusqu'à ce que Muller apparaisse et le détrompe : il lui démontre alors qu'ils vivent tous les deux dans un temps accéléré et que la vie s'écoule normalement autour d'eux mais 5000 fois moins vite ! Ils sont désynchronisés par rapport au reste de monde et invisibles pour leurs compagnons car ils se déplacent trop vite ! S'ils peuvent s'alimenter, ils ne peuvent communiquer que par écrit afin de signaler la raison de leur disparition. Or lorsqu'une heure s'écoule pour le monde entier, c'est à dire le temps nécessaire à l'équipe technique pour reprogrammer l'ordinateur, six mois se déroulent pour les naufragés du temps ! Les deux hommes doivent donc s'adapter et vivre isolés pendant six mois ...

La mise en scène est sobre et efficace. Un grand soin a été apporté aux décors et, n'était le noir et blanc qui date l'œuvre, le téléfilm ne paraît pas avoirtellement vieilli. Le jeu des acteurs rend la situation crédible. Contrairement à la nouvelle, deux hommes sont piégés dans le temps et non un seul, ce qui permet de faire progresser le récit plus naturellement qu'avec un seul cobaye obligé de soliloquer pour faire partager ses idées au téléspectateur. 

Progressivement, on voit le moral de Muller se détériorer. L'action se déroule dans un huis-clos forcé (Muller évoque bien sa sortie en ville pour découvrir un monde figé  mais le téléspectateur n'en voit rien, ce qui renforce le sentiment de claustrophobie) et le piège temporel devient une métaphore de la solitude et de l'impossibilité de communiquer pour chacun d'entre-nous. La situation devient désespérante lorsque Muller montre à Darnier que, contrairement à ce qu'ils pensaient, leur rythme ne s'est pas stabilisé : il continue de s'accélérer et, par conséquent, la désynchronisation avec le reste du monde s'amplifie graduellement... Leur réclusion peut donc se prolonger indéfiniment...  

Comme dans le récit de Langelaan, l'issue sera dramatique.

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